La rage de vivre

Le jour je me cache sous les grilles des maisons, parfois pour y observer les enfants jouer. Leur énergie me stimule et attire toute mon attention. Nos mœurs sont à peine différentes.

Parfois j’entrevois même des humains restant stoïques derrière une épaisse couche transparente. Je les fixe, ils ne bougent pas. Leur présence dégage une odeur dénuée d’émotions. Ils ont l’air si bien éduqués. Je me demande bien comment ils font pour rester debout et nous fixer sans jamais changer leur angle de vision.

La nuit il ne s’agit plus de lier des amitiés, de sentir à museau détendu. D’un pas ralenti et hésitant je divague à travers les rues, … Je rencontre des silhouettes flottantes, de nouveaux personnages.  Tout me semble plus impressionnant. La lueur est tellement sombre que je crois apercevoir des ombres diurnes.

Tenez par exemple ces deux personnages : l’un trop allongé du haut et l’autre portant une tête disproportionnée. Quel effroi de les voir traverser le trottoir !

Les mots sortent difficilement de ma bouche : je panique, je hurle en espérant les dissuader de changer de voie. Mais ils ne s’esquivent pas. Je les aperçois, puis la face géante s’approche de moi… Mon cœur bat plus vite, je tente de garder ma présence d’esprit car je me sens incapable d’effectuer un mouvement. A mon soulagement ils passent devant moi et poursuivent leur marche.

Ma vision me paraît trouble, ce monde me paraît alors si incertain. Doucement je m’avance, décidant de braver ces visions. Un cycliste passe. Il a des déformations un peu partout le long de son dos. Je me demande bien pourquoi tout est si disproportionné et prend tant de place.

Toutes ces interrogations me donnent envie de continuer ma route.

Un puis deux demi tours me permettent de rencontrer un autre personnage: grand, trapu, portant des couleurs qui m’angoissent. Puis tous ces gestes qui s’enchaînent jusqu’à entendre ce bruit des roues qui heurtent le sol.

J’ignore pourquoi ce monde me paraît si immense.

 

Copyright ©  Céline Burr

Copyright Photo ©  Benjamin Gillet – Eclipse Solaire

Mnemonic

« Gens » par Photos Libres

Un épisode fugace, des souvenirs lointains. Trouver celui qui collera parfaitement à l’attente. Sans ambages.

L’esprit est déconcerté, l’être dévêtu de son passé…

L’exploration débute. Archivage mental. Il faut passer ça au peigne fin, ne pas hésiter à scanner un ensemble – à déterminer.

Réminiscence de clichés familiaux, rebuts collectifs d’albums dispersés.

Bribes d’instants immortalisés, stockés dans des armoires transformés en faitouts débordants.

Accumulation de preuves de vie : rites de passages en tous genres. Instantanés d’émotions.

Commentaires laissés sans commissions. Vagabondages ou promenades à travers le temps.

Juste une autre page qui se tourne.

Rendez-vous est donné. A l’heure dite les pensées sont diffuses. L’accompagnatrice suggère de choisir le plus beau.

On tergiverse, on se remémore encore…

Puis, la mémoire se fixe sans appel. Retour cataleptique dans l’enfance. Détente automatisée des sens. Crispations, expirations et larmes dégringolantes.

Visualisations pacifiques. Sentiment familier et retrouvailles sommaires.

Affections utérines en déliquescence.

Sanctification du don sans oublis, ni alibis.

Cheminement de manuscrits. Répétitions des caractères. Soudure de reliures. Embellissements métaphoriques.

Mouvement de recul. Geste signal :

– « Extension, flexion »

Inspiration. Mise en abyme et redescente.

Entre-vues. Allégement. Déroulement de sapience.

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