Loup y es-tu ? Magali Chouinard

A l’aide du jeu visuel exclusivement, celle qui engendre une immersion continue provoque l’apparition de nos souvenirs d’enfance. Ame nomade mêle dessin et théâtre de papier dans une installation composée de strates scéniques.

Nos sens avertis tentent de suivre le déroulement : une dame d’un grand âge puis une petite fille apparaissent. On décide de la pister mais déjà elle disparaît dans les méandres de la forêt.

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Il n’est pas aisé de garder sa capacité de réflexion intacte tant le voyage qui nous est proposé nous déroute. Loin de notre monde d’adultes, le trajet est inversé et nous sommes catapultés vers nos promenades enfantines.

Etonnés de ce monde qui nous paraissait à des milliers d’années de la réalité, Magali nous ravit. Artiste renommée au Canada pour ses talents étendus elle a rejoint le théâtre de marionnettes en 2008. Cultivant un onirisme récurrent dans ses mises en scène il y a ici matérialité. Dans ce rôle d’actrice de chair, elle personnifie elle même la malléabilité de la poupée.

On porte un autre regard sur le « Qui manipule qui ? » Finalement on pourrait croire que Magali nous fait entrevoir un spectacle destiné à des adultes en manque d’enfance. Cependant à chacun de faire le choix entre le réel et par conséquent le virtuel généré.

Cet ailleurs qui n’existe que dans l’imagination de cette enfant est porté par des animaux. Ils prennent à leur tour l’initiative de faire s’envoler notre temps présent et même de rapprocher nos songes oubliés. La figure du loup y tient un rôle fondamental : il prend beaucoup de place dans le cœur de la petite fille. Se nouent alors des liens qui vont au delà de la survie. Magali, qui incarne tour à tour, une femme âgée, une jeune fille et une petite fille nous fait découvrir que les dimensions de son jeu sont plus denses.

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Elle rapetisse pour nous laisser entrevoir que tous ses personnages ont la faculté de renaître et de dépasser le vivant. Le corps, la sensorialité et l’âme sont alors unies.

L’enchantement est multi-factoriel et nous berce à l’infini.

Festival mondial des théâtres de marionnettes,

Charleville-Mézières,  22 septembre 2017

Copyright ©  Céline Burr

Danse filaire – Veronica Vallecillo

La danseuse guidée par l’arpège… Dans un flot de mots qui la propulsent, Veronica hypnotise les notes et les renvoie. Transfuge. Accrochée à un fil – qui s’étale, se tord, se noue: légèreté acquise

Comment vous est venue l’idée de ce spectacle ?

Je suis chorégraphe et créatrice contemporaine avec la matière du flamenco. Lors de mes échauffements je mettais les suites pour violoncelle de Bach.

Pour s’aérer, trouver de nouvelles façons de bouger, de ressentir la musique. Puis j’ai eu l’occasion de travailler avec un violoncelliste qui s’appelle Raphael Perraud, (violoncelliste à l’Orchestre National de Radio France). Nous avons fait de l’improvisation lors d’une soirée. Et nous nous sommes revus pour travailler sur la suite numéro 2. On s’est jurés de se revoir et de travailler cette suite pour violoncelle…le temps et la vie a fait que chacun était très occupé d’un côté et de l’autre…

Un jour, en résidence pour une création très différente j’ai remis les suites pour violoncelle.

J’ai rencontré d’autres artistes sur les lieux dont Sylvain qui travaillait sur plusieurs projets dont les suites pour violoncelle de Bach. Je lui ai dit :

– « Ca te dit qu’on se fasse un boeuf ?! »

On s’est rencontrés – en improvisation et, on as décidé de se revoir et de remettre ce projet en route. J’ai écrit la chorégraphie pour la Suite n°5 et n°2.

Il y avait une bonne cohésion entre vous deux : la danseuse et le musicien

Il y avait un écho, presque un fil qui vous reliait…

Oui. On l’as pensé comme ça. C’est un véritable dialogue entre la musique et la danse en général. En l’occurrence la musique de Bach interprêtée par Sylvain qui a sa propre adaptation.

Votre base est le flamenco ?

Je viens du flamenco, je suis identifiée en tant que tel mais j’ai été voir du côté d’autres disciplines de danse telles que la danse classique, le contemporain, …

J’ai des sources d’inspiration qui sont plus superficielles mais qui sont là : les danses urbaines. Le fonds est composé du flamenco et de la danse contemporaine. J’ai donc crée un style à moi – à cheval entre toutes ces disciplines.

Parmi vos influences en danse contemporaine quelles sont-elles ?

J’ai travaillé avec la compagnie Montalvo pendant des années. En tant que créateur il y a des gens qui forcent l’admiration tels que Pina Bausch …

Je vais vous donner un nom qui ne fait pas partie de la danse contemporaine mais qui est vraiment l’essence de la performance : Marina Abramovic – économie du mouvement.

Etes-vous née dans une famille de danseurs de flamenco ?

Je suis née à Toulouse. Ma famille est originaire de Granada, j’ai donc toujours été en connection avec l’Espagne. J’ai eu la chance d’ accéder à la culture classique en France et en même temps à la culture flamenca en Andalousie.

Qu’est ce qui pour vous vibre dans le flamenco, qui fait que cette danse est unique ?

Elle permet d’exprimer le désespoir et en même temps elle comporte beaucoup d’espoir.

Il y a toute la vie à l’intérieur de cette danse. La quête qui est aussi une voie – on est jamais arrivés. On peut exprimer beaucoup de choses simples ou spirituelles: c’est très riche ! En tant qu’artiste c’est une voie qui nous permet de s’affiner, de se questionner… Un art qui peut englober presque tous les aspects de la vie: les grandes joies, les grandes peines, la poésie du quotidien également. C’est surtout un art pluriel. Pour moi ça représente tout ça.

Le flamenco est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2010

Copyright ©  Céline Burr

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Cet Oiseau de Feu – Sohrâb Chitan

Téméraire dans sa danse. Tantôt oiseau-Roi-soleil, tantôt simple mortel,

Sohrâb réagis et ré-ajuste

Exit la notion de temps, il nous dit vouloir : « Aller droit dans l’humanité »

Sohrâb Chitan en quelques dates :

  • Né en 1987 à Paris,
  • De 2005 à 2007, il se forme aux techniques de danse Rudra Béjart en Suisse, puis au sein de la compagnie américaine Alonzo King Lines
  • C’est en 2011 qu’il décide de fonder sa compagnie: TIMEless Ballet
  • En 2013, la rencontre de Nicolas Noël – chorégraphe et danseur renommé, ancien Coryphée de l’Opéra Garnier, lui permettra de remettre un pied dans la danse

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Masque en plumes de pigeon créé par l’artiste taxidermiste Mathieu Miljavac

Vos trois voyages ont l’air « délimités. » On y voit le commencement, la façon dont la planète a été bâtie, l’homme part ensuite à la découverte du monde et ça finit en voyage intérieur… 

Ce qui m’intéresse c’est de ne pas vous imposer quelque chose. Il me fallait un fil conducteur pour créer. Si vous avez vu l’inverse c’est très bien vous avez crée votre propre voyage. Ce qui m’intéresse c’est de prendre le public et de dire :

« Voilà, j’ai fait ça, c’est mon histoire. C’est celle de Jeanne aussi » (Jeanne Henry – Comédienne)

Elle dit ce que je ne peux pas dire car je ne parle pas. Dans le mouvement je dis ce qu’elle ne peut pas faire car elle n’est pas danseuse. Au public d’imaginer son propre voyage à travers des musiques. Le masque est clairement la naissance d’une bête qui se transforme en homme.

Vous mettez en scène une époque préhistorique ?

Pour moi ce n’est pas aussi scientifique. Et moi je l’interprète à travers un oiseau, un singe, une bête. Une bête avec des griffes qui a peur de son propre corps et, à travers l’Homme – avec un h majuscule. C’est cette part d’animalité qui nous entoure, et qui fait aussi ce qu’on est aujourd’hui par la barbarie. Nous l’avons en nous mais l’art peut nous sauver.

Je conçois votre danse avec une ouverture de l’âme, de l’homme… Une évolution plus spirituelle ?

Au niveau spiritualité j’ai un rapport très fort entre le ciel et la terre. Je caresse le sol, je ramène et je prends…

Ce rapport entre le divin et l’homme est important, car il me semble qu’à un moment donné on est toujours confronté à un appel à Dieu. On se pose la question à travers notre solitude. C’est évident, je, suis seul sur scène, elle, est seule sur scène. Vous vous fuyez et vous cherchez en même temps ?

Vous vous fuyez et vous vous cherchez en même temps ?

Oui. Jusqu’au moment où l’homme, où la femme, quels qu’ils soient : amants, amis, etc. se retrouvent. Il y a une rupture et un accord dans ces trois voyages.

La dernière partie interprétée sur du Chopin est-elle votre recherche de sublimation ?

Personnellement c’est une histoire d’amour que j’aime transposer là-dessus.

Chopin c’était mon truc, par rapport à mon vécu. La danse classique c’est ma nature et en même temps c’est ma base. Pour moi, c’est important de retrouver aujourd’hui ce côté romantique et classique. Je ne suis pas sûr qu’un danseur contemporain aurait eu la forme physique d’assumer ce que j’ai pu faire. C’est moi ce soir. Par concours de circonstances ça aurait pu être un autre danseur. Mais il aurait fallu qu’il soit classique pour qu’il comprenne le langage. Un danseur contemporain qui ne sait pas faire une première, et qui ne sait pas qu’un dégagé est important (il s’exécute) : il ne comprends pas.

Oui, il y a une sublimation dans le classique. Et en même temps il y a un espoir : par rapport à Sabra et Chatila, ce que l’homme est capable de faire de pire, de détruire. Comme les volcans ont voulu détruire mais, au delà de ça, au crime de l’humanité.

Chopin ça continue et c’est un cercle. A la limite le ballet pourrait redémarrer à zéro.

S’il y avait un message serait-ce une dystopie ?

C’est ma vision du monde. C’était un premier ballet donc je suis conscient que c’était un risque énorme de mélanger du texte et de la danse. Ce sont des essais, des journaux intimes, il y a ce côté très spontané. C’est cela qui m’a intéressé, d’aller droit dans l’humanité.

J’ai laissé la liberté à Jeanne de trouver ses textes.

Jeanne Henry, comédienne

Pouvez-vous me parler de votre façon de travailler l’aspect narratif ?

La dernière partie du ballet avait déjà été crée. Puis, Sohrâb m’a demandé un texte sur le voyage. J’ai alors repensé à ce texte qui est un peu un texte de chevet pour moi.

(Juste la fin du monde, du luxe et de l’impuissance, de Jean-Luc Lagarce)

Je lui ai envoyé un assemblage de deux recueils. Il a ôté une grande partie.

Juste la fin du monde est un texte qui raconte l’histoire d’un homme qui va mourir et qui reviens pour l’annoncer à sa famille, voilà l’une des scènes du début. On a fait ce lien ensemble sur les textes. On a changé des mots pour que ce soit féminisé, par exemple « amoureuse ».

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Votre rôle m’a fait penser à l’époque antique…

Oui, Sohrâb ayant une formation de danseur classique que l’on retrouve dans sa base et, travaillant avec des mouvements contemporains, souhaitait retrouver dans le théâtre cette forme de théâtre classique.

Donc on as pensé à la blancheur de la robe, la coupe de cheveux est un clin d’oeil à Ophélie… On avait travaillé sur la partie des guerriers où l’on retrouve une gestuelle antique en référence au théâtre classique.

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Et le voile également ?

Ca représente tellement de choses ! On est passé par tellement d’interprétations que je ne sais plus… Rires

Est-ce votre première collaboration avec un danseur ?

Oui, dans ce registre précis.

Vous avez dansé…

Oui, ça c’est fait comme ça, je n’ai pas l’impression d’avoir dansé. Sohrâb m’a poussée à danser. Le comédien se cache beaucoup derrière le texte et le personnage. Jusqu’au dernier moment Sohrâb me rappelait que j’avais des muscles dont je pouvais me servir.

Voyages I, II, III et Cold Ways

14 mars 2014, Théâtre Le Liburnia, Libourne

Propos recueillis le 18 septembre 2013 – Théâtre de Ménilmontant, Paris

Copyright ©  Céline Burr

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Fever

                             Cuban Way of Life  par Philippe Moreau Chevrolet

C’est cette attente interminable,

Celle qui dicte les relations laissées à distance de nos vies

Chassés croisés & croisements à propos

On monte à bord, impact minime et pares-brise baissés,

Sans savoir à quoi s’attendre…

Allers et retours, liaison en déplacement, accordement de nos espoirs

Faut-il se protéger du vent ?

Pile: boîtes à chapeaux

Face: voyages chaotiques

Baiser hollywoodien échangé aux abords du parcours

Enjeu de nos déchaînements en un-seul-mot: Amour !

Portage de nouvelles et promesses enflammées

Elans passionnels de nos retrouvailles,

Vrombissements de nos coeurs à la vue de cet inconnu(e),

Parqué au détour d’une route…

Copyright ©  Céline Burr

 

Détour(s)

Sand storm by Manuela de Pretis

Revenir vers les traces du passé. Ré-embarquer dans cet avion pour me sentir plus proche de cette destination…

Une nouvelle fois : (re)découvrir Tunis et la Tunisie. Vivre quelques jours, passer quelques instants dans cette capitale inexplorée. S’imaginer flâner le long des grandes avenues, probablement en bord de mer, sur le littoral puis tomber sur la médina.

Déguster un – vrai – café ; subtil mélange de mousse légère, petit goût de  noisette, cousin lointain du cappuccino…

Et puis s’aventurer sur les sentiers, à l’aventure !

Tout simplement partir !

Parmi la multitude des destinations qui s’offraient à moi, à nous, celle-ci s’est avérée logique, indéniable. Mais elle me semblait irrecevable.

Quels pouvaient bien être les arguments qui m’ont poussée en terre arabo-romaine ?

Une soudaine envie n’en était pas la raison première.

Mais le souvenir imaginaire de terres inexplorées, de paysages merveilleux s’offraient à moi.

Au détour d’un site archéologique se trouvait tout un monde à explorer. Un retour vers soi, un pas vers des temps anciens…

Tant d’attentes, d’expectatives pour ce petit pays côtier.

Dix années et quelques rafales étaient tombées sur ma vie depuis.

On se dit : que de changements, que d’avancement ?

Peut-être que d’une certaine manière, je suis liée à ce pays…

Nous n’avons pas tant changé. C’était un point de départ.

D’un séjour sous confidences amicales j’ai découvert un pays de contes… ceux des personnes rencontrées. De villageois en citadins, ils racontaient tous une histoire.

Des racines communes, sans mélodrames, ni anarchie.

Sourires et visages qui se réjouissent. Voilà peut-être l’âme d’un pays, celle que l’on retrouve transcendée par ses habitants à votre venue.

Pour lui, il n’en était pas question. Je le savais. C’était une perte de temps que de plaider la cause de ce pays.

« Trop chaud, trop d’évènements récents,… » me répondra-t-il !

Trop de trop !

Je me voyais déjà baisser la garde. Quelles pouvaient être ses attentes en tant que voyageur ?

Un bel accueil, du sable et des palmiers ?

C’était le comble. Il avait tous les symptômes du non-voyageur à l’esprit sur médiatisé !

Je n’avais pas d’idées d’un autre voyage à lui proposer, tant ce pays était resté un mythe inexploré à mes yeux. Pas une simple passion du moment. Mais, la volonté de m’échapper sur des terres, où la notion de voyage avait pris toute son ampleur.

Quelques souvenirs, par ci, par là :

Perles scintillantes vues du ciel à mon arrivée,

Mosaique enchanteresse effleurée à l’aéroport

Et, pour ne pas perdre le fil :

« houch », villa d’un blanc immaculé – grande fierté des Tunisien(ne)s

Suite

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