Paris Ferris Wheel par Derek Key
La première fois que nous nous sommes rencontrées tu n’as guère été bavarde.
Tu t’es contentée d’observer, en souriant – un petit peu.
J’ai fais mine de t’accueillir en te saluant, cherchant mes mots dans ta langue, puis je t’ai offert un cadeau : une petite croix, toute simple.
Une chose qui ne signifie plus rien ici.
Ca ne m’as pas coûté grand chose, c’est ce que tu as pu te dire…
Un peu de mon temps, de ma générosité retrouvée, ici ne sont pas mes racines.
Nous avions si peu en commun.
Puis nous avons bavardé avec le reste du groupe. Ta tenue n’était pas adaptée au froid.
Tout le monde en était conscient, ils savaient que tu n’étais pas d’ici…
Déjà nous te connaissions. Nous avions vu tes photos. Nous avions pu imaginer quelle était ta vie. Elles disaient tout de toi : ta famille et puis toutes les soirées passées avec tes ami(e)s.
Tu aimais la danse, t’entourer et surtout… danser.
Les regards étaient portés sur toi. J’étais heureuse de te rencontrer. Peut-être, en y réfléchissant te souviens-tu de mes sourires et de mes efforts ?
Mais la soirée t’a parue longue, voir interminable.
Puis nous sommes parti(e)s pour la prolonger. Nous avons choisi un quartier animé. C’est moi qui ai suggéré le dancing : des rythmes entraînants et chaleureux sur fond rouge opaque.
Une ambiance – qui devait être – familière à tes yeux ?
Tu n’étais pas délurée car tu devais être là et, tu étais ailleurs. Ta vie ici te faisait douter. Tu doutais de ses sentiments à ton égard.
La piste est restée vide. Puis nous avons échangé sur nos vie(s). J’étais rentrée dans ton monde puisque j’avais réussi à faire sauter la barrière de ta langue. Quelle chance ! Quel étonnement, je parlais cette langue encore étrangère et devenue si proche.
Avant de se dire au revoir le métro nous a permis de rire. C’était la danse du moment qui a éveillé notre joie. Les chevaux sautants et dansants étaient au rendez-vous. Ri-dicules, le mot dit tout… !
J’ai appris que c’était la première fois que tu voyais la vie ici. Loin de ton continent… Toi aussi tu avais pris l’habitude de rencontrer des étrangers.
Aujourd’hui je me demande quelle image tu avais de mon pays…
Le tien: je l’imaginais chaud, coloré parfois exubérant. J’y voyais des gens satisfaits de leurs vies. « Souriants en toutes circonstances », m’avait t-on rapporté… un sourire sans faille.
Alors pourquoi donc étais-tu venue découvrir cet autre continent ?
Retrouver tes ancêtres t’étais bien égal. Tu avais une famille aimante que tu avais laissée derrière toi. Et puis ce n’était pas non plus le travail qui t’avais conduite ici, car là-bas, il y en avait.
C’était l’amour qui t’avait emportée. Ton arrivée avait fait grand débat. Les uns et les autres s’étonnaient de ta hâte.
Et toi avais-tu hâte de découvrir cette autre culture ? Partageais-tu l’attrait des touristes pour cette capitale ? Finalement, avait-tu vraiment envie de faire connaissance…
J’ai appris que tu est restée ici, que ta vie a changé. Après ton mariage tu t’es occupée de toi et de ta nouvelle famille. Nous ne nous sommes plus revues ensuite. Mais tu danses toujours…
Copyright © Céline Burr
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