Je te souhaite le meilleur

C’est vraiment ce que je te souhaite… ! Et non, non, noon !  Zut, c’est bien moi qui ai dit ça…

La vérité ? Tu la connais. Je ne t’en veux pas. Enfin… Pour être plus précise, ça m’est EGAL !

  • « Égal ? »
  • « Oui, égal…je n’ai plus rien à qué-mander. Fin de la conversation. »

Arrêt brutal. Sans cause, ni lutte.

Les regards balayent le sol. Je voudrais ajouter quelque chose.

Il n y a pas d’autre possibilité. Nous en sommes la, à contempler le sol, tandis que d’autres contemplent le ciel. Bizarre.. ! Plus rien-à-se-dire. Sans laisser de traces ou alors…Les a t-on déjà oubliées ?

Face à face désarmé, chacun dansant sur sa chaise. En tout cas c’est ce que le public pourrait se dire – s’il y avait un public. Non, on ne danse pas… pas vraiment.

Ce serait du déjà vu, utiliser sa chaise pour danser. On remue des pieds, on comble l’espace…le vide.

Il ré-imagine la scène, sa choré., SON plateau. Ben oui, c’est par là que ça démarre, normalement.

C’est ce à quoi on s’attendait : un départ, et même une réunion.

Pas un tandem mais un duo Ver-tic-Cal m’avait-il dit.. (Rires) On sera un vrai duo, on se tiendra les coudes, on se les soutiendra même… ! C’était ce que je m’imaginai moi aussi.

Pour avancer survivre, pour y croire patienter. Et même le contraire, non ? Qu’en dit tu, toi ?

C’est une situation originale. Il n’y a plus d’anicroche entre nous.

Il ne reste rien. (Soupir)

Ce projet c’était le notre.

Il était consacré. On s’était même consacré l’un à l’autre.

J’étais souvent la figure de proue, à l’avant de notre vaisseau. Parfois je le faisais nager.

Il me disait qu’il nageait sans comprendre ou ça allait nous mener.. Moi, je ne comprenais pas.

Puisqu’on s’était choisi(e)s, on avait une destination en commun. La vie. C’était notre voie à tous les deux…Peu importe : nage papillon ou dos crawlé…Entraînement (Rires).

Après j’ai compris qu’il n’aimait pas ça.

Et puis…puis :

On s’assurait de se dire « toujours la vérité ». J’étais re-comblée..enfin heureuse. Lui aussi.

Il me le disait. Un peu moins ? Moi ? Oui je l’étais. Ça se voyait. Si, si…je vous assure.

Parfois il me posait la question. Je la lui retournais. Et puis elle revenait. A un moment on a arrêté.

Ben oui, on va pas se poser tout le temps la même question.. ! Quand même !!!

Oui, on était différent. C’est ce que croit chaque…couple ? Ah oui, on était un couple !

Partager 5h par jour ça faisait de nous un couple… (Silence)

Un couple qui se réunit pour danser. Z’avez jamais vu ça ? Quooi ?

Au ciném-aa ?

Bien sûr ça nous as inspiré. On y est retournés dans not’ salle de danse. Souvent. Oui. 5h par jour. Ah, je l’ai déjà précisé… Et nous y revoilà. Bizarre. Oui, bizarre. C’est la fin ? Vous cro-yeez… ?

Copyright ©  Céline Burr

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Train-train quotidien

Waiting for the train par Daniel Echeverri

Monotone, ma vie est monotone, comme les arbres qui défilent au travers des fenêtres de ce train. Kilomètre après kilomètre, le paysage reste invariable.

C’est la même perception : celle des forêts qui jouxtent les maisons.

Il n’y a que les voyageurs qui changent – à peine. De clichés en clichés, on retrouve pareils visages, pareils attributs. Les mêmes histoires à raconter… La routine visuelle est interrompue par une source d’eau en contrebas.

Les pentes vallonnées ne regorgent pas de paysages luxuriants.

Ils sont peuplés par des chevaux. Un point d’arrêt est en vue. Le train va se remplir, je m’imagine déjà accolée aux passagers, bravant cet instant et ôtant mes effets.

L’individu en face de moi – que je prenais pour un gamin – est entre deux stades. Il quitte l’âge ingrat pour entrer dans l’âge intermédiaire. Celui que l’on pense prometteur. Dans un moment d’absence de self-control il fait claquer ses doigts.

Après avoir fait glisser son manteau sur son voisin, l’homme d’en face s’exclame :

– « Avec la SNCF il faut s’attendre à tout ! »

D’emblée, il se met à traiter des derniers films avec sa voisine de droite. Le contrôleur débarque et, le cinéphile se plaint de l’état du réseau mais également du trafic mal assuré. En guise de réaction, il se contente de passer entre les gouttes, faisant preuve d’une maîtrise absolue et renseignant chaque voyageur de le même manière.

– « Les multimilliardaires piquent 95% des richesses ! »

Cette formule enclenche un débat entre la dame à la chevelure grisonnante et le cinéphile barbu, dodu et binoclard. Il poursuit son monologue, plus personne ne s’en préoccupe…jusqu’à ce que la dame à ses côtés riposte :

– « Est-ce que la vie c’est d’être riche ? Voilà la question ! »

Il lance d’autres joutes verbales de façon détachée et décomplexée. Elle ne partage pas les mêmes idées démocratiques que lui. Et, même s’il remets en question le système de vote français, il n’obtiendra pas d’acclamation de la part des voisins de traversée.

Le train émet un léger vrombissement.

L’orateur propose la résistance comme technique de défense. Parmi ses lectures figure Prévert trônant entre ses mains.

Trois bolides bigarrés se suivent sur la route. Le wagon accélère et dépasse le courant.

Mon voisin, le résistant se délecte toujours des moeurs des dirigeants de notre pays. Il passe en revue les leaders actuels et les descends, un à un. La pauvreté occupe le parvis. C’est le thème du bidonville qui leur permets de reprendre leurs allégations contre la société actuelle.

Brusquement la dame demande au type ce qu’il lit, il répond :

– « Des magazines, ça fait réfléchir ! »,

A nouveau, il reprends le fil de ses histoires – que seul lui arrive à suivre.

Le bip provoqué de façon involontaire par le train ne couvre pas le mot « corrones » prononcé par mon voisin, décalé – à quelques secondes près.

Le terminus est proche et le débat reprends d’un côté.

Le tribun, son livre à la main d’une part, la main gauche ouverte de l’autre, continue d’exposer ses opinions. Ses cuisses étalées avec grande largesse, petitesse des espaces oblige – tel qu’il l’avait signalé à l’agent. Tout en rythmant de son pied l’avancée du train, ou de son discours…

Ce sont des wagons bondés qui nous accueillent sur les voies. Mon voisin s’impatiente, il tapote sa main gauche sur son genou et la lève, re-tapotant sa cuisse. Son discours ne semble plus soulever la rhétorique de l’interlocutrice. Elle reste silencieuse, la main sur le menton et écoute.

Le train ralentit. Il emprunte la dernière voie, celle qui nous mènera directement en gare. « La fuite des cerveaux » donne lieu au coup de grâce, enfin presque !

Ils parlent cinéma. Il lui détaille la distribution d’un film. Cet acteur est le fils de J. Moreau. Ce n’est pas Télérama qui passionne notre ami, mais Philosophie Magazine. Il finit justement par philosopher sur la biographie du livre qu’il sert entre ses mains depuis qu’il a pris place.

– « Prévert se faisait pas chier ! », puis,

– « C’était quelqu’un d’intelligent »

Il explique d’où vient la fortune présumée de S. et de sa femme C. Certains bâtiments sont couverts : des travaux… L’agent ferroviaire récupère ses affaires. Son képi est rangé dans son minuscule sac à dos.

L’heure est grave car le débat s’est terminé et mon voisin quitte le train avec son air désabusé qui le caractérise tant.

Copyright ©  Céline Burr