Trois coups et puis s’en vont… Avignon

Retraçant ces instants où, propulsés malgré eux au coeur des festivités Josiane et Jean-Patrick Robert témoignent. Ils sont les gardiens d’un lieu où les disciplines se sont entremêlées…

Josiane et Jean-Patrick n’ont pas vu tous les spectacles. De la vie d’artiste lors du Festival d’Avignon ils en gardent bien plus que des souvenirs. Lorsqu’en 1999 le festival OFF implante l’un de ses sites sur le campus, le gardiennage prend une toute autre dimension. Josie et Jean-Patrick empruntent tour à tour le costume d’amis, de confidents et de soutien indéfectible pour les troupes de passage. Dix huit années passées en tant que gardiens du site de la Faculté de Sciences Louis Pasteur ont marquées leurs vies à jamais. Entre partage d’émotions et d’enthousiasme la rencontre de ces artistes d’horizons variés a sublimé la vie des Robert. Retour sur un pan entier de la vie de gardiens “en constante découverte artistique et humaine”

Voilà bien un scénario qui ne prédestinait en rien à l’accueil d’artistes: Josie originaire de Carpentras rencontre Jean-Patrick en 1974 lors de la Féria de Nîmes. Rapidement ils se marient et déménagent en région parisienne. Jean-Patrick y exerce alors la profession de sapeur-pompier et Josiane celle de vendeuse en décoration. Loin d’imaginer leur retour en terre vauclusienne leur vie prend un tournant décisif douze ans plus tard lorsque Josie encourage Jean-Patrick et leur fils Alexandre à la suivre en Avignon. Il trouve alors un emploi dans la grande distribution puis, en 1998, à la suite de la réussite du concours d’agent-adjoint la famille Robert choisit de s’installer au milieu du parc de 7800 mètres carrés.

Les Robert souhaitent donner plus d’allure à ce vaste parc et ses bâtiments datant du Second Empire. Ils aménagent un jardin d’ornement mêlant plantes grimpantes et plantes aromatiques. Josie et Jean-Patrick réalisent alors un véritable travail de paysagiste. Elle élabore et dessine les plans tandis que Jean-Patrick exécute les travaux. A deux le site se transforme, s’embellit.

site louis pasteur - avignon

Des artistes en devenir, un parc et des festivaliers

A une année près du nouveau millénaire le Festival In choisit également d’élire domicile dans la cour d’honneur et d’exploiter le potentiel du lieu. A cette époque les infrastructures scéniques demandent aux techniciens un temps d’installation très long et les Robert les fournissent tout naturellement en eau fraîche. Sans se douter des spectacles en préparation et des années fastes qui les attendent, Josie et Jean-Patrick alternent les tâches inhérentes à l’université et prêtent volontiers un coup de main aux installations du festival. Le 31 juillet 1999 signe l’ouverture du spectacle de Blanca Li et du street-dance contemporain de sa compagnie nommé “Macadam, Macadam” – révélée en 1993 par le prix du “Public OFF” du meilleur spectacle de danse.

D’autres styles, puis d’autres compagnies de danse vont se succéder comme celles mettant en scène un art du tango argentin brut “façon toréador et toujours plus sensuel selon Josie.

Les années se suivent, de nouveaux artistes investissent les lieux. Lors des représentations du Off et du In Josiane et Jean-Patrick se sont ainsi vu entretenir des liens amicaux avec des centaines d’artistes, techniciens et machinistes. Les jardins de l’université et son va et vient d’œuvres du spectacle vivant éveillent alors les élans de la famille Patrick. Josie élevée “dans une famille très modeste” a toujours souhaité mener un parcours artistique et s’en trouve ravie. Cette année là ils franchissent une nouvelle étape en assistant à “Henry V” – adaptée par Jean-Louis Benoît. Approuvant la ferveur avignonnaise Philippe Torreton, qu’ils qualifient de “très humble et très bon comédien” enflamme la Cour d’honneur du Palais des Papes.

La création artistique rencontre également l’enseignement quant en l’an 2000 le doyen de l’université Philippe-Jacques Coulon, chercheur en biologie et passionné d’écriture scénarise “Le Dernier Bouffon” – joué par Serge Barbuscia au Théâtre du Balcon, mettant en scène l’histoire d’une poupée robotisée.

En 2002, dans le cadre du OFF Jean-Patrick de son côté découvre la Commedia dell’Arte et reste fasciné par le jeu d’improvisation de ses personnages. De cette scène artistique il retient de nombreux noms de pièces et d’artistes programmés ensuite, tel qu’ “Arlequin, valet de deux maîtres” d’Alberto Nason. Cette époque leur permet d’évoquer un épisode en particulier. En 2004, une forte pluie s’immisce lors de l’un des spectacles : Alberto Nason quitte alors la scène et rejoint la coursive universitaire. La magie du théâtre opère: Comédiens, chanteurs et spectateurs se réunissent pour célébrer cet entracte qui se prolongera jusqu’à tard dans la nuit.

coursive-avignon

D’une expérience modeste à une vision grandiose : la part du hasard

A l’aube de leur retraite de toutes ces rencontres et ces existences qui se sont croisées les Robert retiendront avant tout des moments de joie partagés. Au détour d’une rue Josiane échange quelques mots avec Jean-Claude Drouot, personnage hissé par son alias Thierry La Fronde :

Flash-back 

D’un hasard se poursuit une aventure… Ce « concours de circonstances » fait que Josiane débarque dans les studios de cinéma de Gennevilliers. Pendant 6 mois elle y déroule bobines après bobines, trame après trame et colore les séquences de films. Ce métier  d’étalonneuse reste une étape pour elle. Quant à Jean-Patrick un autre hasard lui permet de découvrir un aspect méconnu de l’industrie cinématographique. En 1981, alors sapeur-pompier, une petite annonce l’amène à figurer dans le film « Les Uns et les Autres » de Claude Lelouch. Jean-Patrick tient alors le rôle d’un prisonnier. Son aventure s’arrête là et ce fût pour lui et son entourage une expérience inouïe.

« La part du hasard dans la création artistique, » c’est à la base celle évoquée par Michel Jonasz, il la décrit selon ses propres mots en 2013 lors d’un débat animé par le pôle Arts et Sciences (CNRS) durant le festival OFF. Selon lui il s’agit là d’un phénomène soudain, mystérieux et totalement hétéroclite.

Josiane, Jean-Patrick et leur fils ont déambulé au milieu d’un théâtre vivant inclassable et unique à leurs yeux. Des brefs éclats de voix aux applaudissements, un remue-ménage constant ou comme le dénommait Jean Vilar une « festivalomanie » qui vous enivre. Un événement auquel ils auront le plaisir d’assister l’année prochaine… en tant que visiteurs lambda et uniquement dans cet accoutrement.

Copyright © Céline Burr