Pas de quatre – Ali Moini

 

Au commencement un son lourd et assourdissant prenant le pas sur les éléments, celui d’un homme sans prétention et d’une silhouette harnachée. L’homme s’exécute le premier, le second opère, ou serait-ce l’humain qui remplacera l’homme machine ?

 

Ce sosie métallique en suspension déroule son vocabulaire. Il oscille plus gracieusement que l’homme. Son ossature fine et légère s’esquisse. Un système de poulies ou contrepoids désigne le ballet silencieux. Ce spectacle initialement mis en scène pour représenter le vivant lors du festival Montpellier Danse fait habilement l’utilisation de la chair animale en suspens.

Emmailloté et même emprisonné Ali prend de l’avance. La gravitation n’est qu’occasionnelle.

A contrepoids ils se meuvent. D’un homme-objet ils ne reste plus que des formes tentaculaires puis elles font place à des mandibules.

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Dans cette enjambée Ali Moini, artiste chorégraphe d’origine iranienne se pose toute la question de la présence et de l’impermanence. Qui survit à qui ? C’est par Rostam que j’hérite de ma gloire,  cette traduction approximative pose simultanément à l’artiste la question de l’imposture et de la transmission.

Les figures se font face, s’évitent puis se balancent.  L’oscillation sonore suit.

Le jeu en est l’issue. A la dérive ou presque l’artiste devenu scénographe fait graviter le public vers l’illusion d’optique. Notre cerveau est biaisé. Le temps de la dé-pressurisation est amorcé. Le mouvement est induit ou déconstruit et marque l’arrêt.

Flottant dans l’air ils désamplifient le rythme du vol. L’homme restant l’allié de la machine, le filage est rendu possible par son intervention.

Tantôt homme-robot et tantôt homme-mécano, les fils s’amorcent et se joignent pendant le cycle de transgression. La manipulation ou « main qui pousse l’autre » est amorcée. Chiffonné par son poids il devient homme-objet. Ce rite manichéen fait vagabonder le pendant/pendu. Le hasard des fils devient la toile pour un personnage. Le tempo monte. La scène s’agite mais c’est le spectateur qui semble en élévation. Les sens jouent à nouveau un contre tempo à nos oreilles. On se sent manipulé.

L’étiolement du pantin s’affiche par morcèlements. L’humain est questionné et l’acteur a tiré notre révérence.

 

Man anam ke rostam bovad pahlavan est actuellement en tournée européenne.

Festival mondial des théâtres de marionnettes, Charleville-Mézières, 22 septembre 2017

 

Copyright ©  Céline Burr